Par Armand Hamoua Baka, Ancien Cadre de Messapresse; Expert Consultant en distribution Presse
Focus sur la Distribution Presse. Pour une reformulation de la distribution de presse au Cameroun.
II-Diagnostic de la faillite du système de distribution de Messapresse.
Avant toute chose, il faut préciser que la société de distribution MESSAPRESSE divise les résultats de ses ventes en deux: la ville et la région. La ville s’entend à Douala et Yaoundé, le reste du pays constituant la région. Les 70% des bonnes ventes de MESSAPRESSE proviennent de la «ville». Lorsque le réglage pour le service client est optimal, le taux d’invendus idéal est de l’ordre de 30%.
Nous allons énumérer ou mettre en relief les points névralgiques imputables à MESSAPRESSE et d’autres qui ne le sont pas:
a): La limitation des kiosques dans la ville ou la mauvaise répartition spatiale : on trouve des quartiers entiers où il n’y a pas un seul kiosque MESSAPRESSE. Ceci peut être dû au refus de la communauté urbaine d’autoriser la construction d’un kiosque ou alors par l’impossibilité des potentiels kiosquiers de la zone à satisfaire les conditions du distributeur.
b): Le système de paiement hebdomadaire : A MESSAPRESSE, on paie les factures toute les semaines, le samedi avant 13 heures. Sinon on est suspendu depuis le système informatique central basé à Douala. Lorsqu’on est ainsi suspendu, le système de distribution par réglette manuelle ou automatique ignore l’existence du client et ne lui accorde aucune quantité.
c): La violation de la capacité du client : Il arrive qu’on inonde un client sans respecter son service de base. C’est le cas des nouveaux titres pour lesquels il n’a pas souscrit où il se voit attribuer 300 ou 400 pièces ou alors qu’on lui livre et facture des magazines qui coûtent 5000 F CFA pièce (Demeures et châteaux, marchés tropicaux, etc.).
d): La non prise en compte à temps des remontées d’invendus : Parfois des erreurs de saisies, l’éloignement du client, font que des invendus qui auraient pu diminuer sa facturation ne soient pas pris en compte. Le client pénalisé se retrouve avec une grosse facture hebdomadaire qu’il ne peut payer. Il sera tout simplement suspendu.
e): Les saisies de police et de gendarmerie : lorsqu’un numéro est interdit et que le crieur n’a pas reçu de certificat de saisies, les quantités à lui livrées sont considérées comme vendues. Sa trésorerie prend un coup.
f): L’inexistence d’un service commercial efficace et autonome : Chez MESSAPRESSE, un commercial ne peut pas créer un point de vente en toute liberté. La hiérarchie se prononce presque toujours défavorablement aux actions des commerciaux. Le directeur général en fait à sa tête. Parfois, il arrive qu’aucun commercial ne se déplace pour les recouvrements de brousse. Les clients qui ne peuvent atteindre une agence sont simplement suspendus.
g)L’exigence des cautions : on peut être confronté à payer deux cautions. Une caution kiosque de 800.000 fcfa à 1000.000 Fcfa si c’est MESSAPRESSE qui fournit le kiosque, et une caution de fourniture Presse variable à partir de son premier service de base.
h)L’inexistence d’un réseau dense sur l’étendu du territoire : En raison du fait que MESSAPRESSE pense pouvoir réaliser l’essentiel de son chiffre d’affaires sur la ville, il trouve que le fait de s’investir dans l’arrière-pays est un luxe.
i)Service Marketing Inexistant : Beaucoup de personnes qui veulent faire dans la distribution des journaux ne savent pas où se diriger. La société MESSAPRESSE ne sait pas se vendre. Sa posture de monopoleur lui confère des a priori très défavorables. Elle n’est pas présente aux foires, ne sponsorise aucune émission ou aucun évènement de grande envergure.
j)L’absence de voies et moyens de communication : Le mauvais état routier voire même l’absence des routes, couplé à l’inexistence des moyens de communication ( voitures, trains, avions) font que certaines régions du Cameroun ne sont pas accessibles. Pourtant on y trouve des fonctionnaires voulant s’informer par la presse.
k)L’analphabétisme : malgré le taux d’alphabétisation relativement élevé au Cameroun (la jeunesse), il faut noter que les parents qui ont le pouvoir d’achat sont en majorité en région et illettrés. Ils prefèrent donc suivre les émissions radiodiffusées des chaines communautaires.
l)Le magasin « Rassort » : Le magasin «rassort» est un magasin physique qui crée trop de frictions entre l’éditeur et le distributeur. La technique consiste à envoyer le trop plein d’un tirage au magasin en attendant en «réassort» qui est une demande supplémentaire faite par un client qui a tout vendu en ce qui concerne un titre. En fait, un éditeur X livre 5000 ex d’un tirage à MESSAPESSE. Ce dernier du fait de son incapacité à densifier son réseau d’une part et à cause des clients suspendus d’autre part, ne peut mettre que 500exemplaires respectant les services de base des clients en réglette automatique (on force parfois le système en passant par réglette manuelle). Les 4500 ex non distribués prennent la route du magasin sous le nom de «Rassort». Ils deviendront plus tard des invendus. Pour savoir cela, il faut demander la fiche statistique de distribution par client du titre en question sur tout le réseau. Vous ne l’aurez pas aussi facilement ! Généralement, les commerciaux vous tournent en bourrique jusqu’au retour des premiers invendus du titre, dans cette confusion vous n’y verrez que du feu.
m)La vétusté du parc automobile : Avec un parc automobile datant de près de 20 ans, exception faite des voitures de direction, les vieilles guimbardes sont clouées au sol, incapables de faire le tour de ville sans pannes. Dans ces conditions, les coûts d’entretien assez élevés profitent aux mécaniciens et le responsable technique qui attend ventripotent les retro-commissions. Conséquence, la distribution tend vers l’amateurisme et lorsqu’on sait que le temps est un paramètre essentiel dans la diffusion de l’information, il y a lieu de s’inquiéter de faire des invendus record si le relais est déjà fait par les réseaux sociaux.
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