Le roman « Le cri muet » de cet auteur est un réel plaidoyer pour la condition difficile des enfants de la rue au Cameroun
Une incursion au c ur de la souffrance de la rue
Une incursion dans la vie des enfants de la rue, c’est dans cet univers que Guillaume Nana plonge le lecteur de son troisième roman le Cri muet. Un titre qui pour les spécialistes de la littérature parle pour ceux qui le comprennent. Pour les puristes, un oxymore. Comment parler de « Cri » qui soit « muet » ? Peut-on se demander. Le roman l’explique à merveille. Tous les jours, des gens ordinaires partagent leurs vies avec cette catégorie de personnes, qui par la force des choses sont devenus des exclus parmi les gens du monde. A 15 ans Patouki a toute sa vie derrière lui, et avec elle ses rêves, ses cauchemars et ses illusions. Il a connu le chaud, le froid et aussi le vide absolu, pire que les deux premiers. Son enfance, une calamité. Plusieurs pères, une maman très tôt disparue et une famille d’accueil à la limite esclavagiste. Un jour intervient l’injustice. Accusé à tort d’un méfait qu’il n’a pas commis. Il est jeté au loin. Et c’est le départ pour la rue. Patouki découvre qu’il n’est pas seul. Des histoires différentes, mais le même univers. Il apprendra à observer les règles, une absence de règles. Mais pour les autres, les « gens normaux », ils sont jugés, accusés de tous les maux, pourtant leur moindre défaut est d’être né au mauvais endroit, alors que leur avis n’avait pas été demandé. Ce roman que les éditions Cle ont accepté de publier, interpellent chacun de nous sur les conditions de vie des enfants de la rue. Mais bien plus que les simples citoyens, les plus hautes autorités sont interpellées. La misère est notre lot quotidien. La rue est notre école. Dans notre lutte pour la survie, nous nous battons, chargés d’une chaîne invisible. Toi qui peux, pense à nous, supplient-ils. Et de poursuivre : Ne laisses pas le cordon de sécurité se refermer autour de toi. N’attends pas que tes conseillers te fassent des rapports. Ouvre ta fenêtre et regarde dans la rue !
Les plus hauts dirigeants sensibilisés
« Le cri muet » est la troisième uvre littéraire de Guillaume Nana. En 2005, il a publié « Grains de poussière » et « André-Marie Talla ». Lorsqu’on finit le roman, on ne perçoit plus de la même manière ces autres habitants de nos grandes villes. Dans un style simple, l’auteur nous met en communion avec un univers que partagent de nombreuses personnes, mais dont la perception n’est pas toujours la même. Une lettre de 114 pages, pour conclure sur l’invitation de celui qui décide, de ne pas se laisser endormir par sa condition de chef suprême du pays. De penser à ceux qui n’ont plus d’autres choix que de survivre, et parfois par tous les moyens. D’un autre côté, l’auteur pointe une accusation franche sur les collaborateurs du Montema, le dirigeant tout puissant. Ils annoncent à chaque fois à grand coup médiatique parfois des actions envers ceux qui vivent en enfer. Mais les effets de ces actions ne se font jamais sentir par les concernés. Pourtant, le roman s’achève sur une note d’espoir. Un espoir qui donne des raisons de penser que quelque soit l’endroit où on se trouve, si on structure bien sa pensée, on a des chances de s’en sortir. Mais un espoir sombre tout de même. Les méchants continuent de vivre bien dans leur méchanceté, les héros eux ne sont pas heureux, et n’ont aucune certitude quant à leur survie. Aucun banquet, aucune récompense, seulement un mince espoir de pouvoir un jour trouver son chemin dans l’obscurité permanente. « Le cri muet » est un excellent livre sur l’apathie humaine et pousse à comprendre comment nos propres peurs nous conduisent parfois à perdre le peu d’humanité qu’il y a en nous. L’auteur, un enseignant de formation, travaille actuellement au ministère camerounais de la communication. Le livre est disponible aux éditions clé à Yaoundé au Cameroun.