Vous étiez en compétition au festival du film chercheur de Nancy, quel bilan faites-vous de votre participation?
Le fait que notre documentaire ait été sélectionné pour la compétition parmi les 115 films reçus par les organisateurs du Festival ne doit pas nous faire rougir, au Contraire! Les organisateurs de concert avec le Bureau Afrique Centrale de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) ont pris en charge notre participation à cette dixième édition du festival de film de chercheur de Nancy. C’est un grand motif de satisfaction et je profite pour leur témoigner ma gratitude. Cela étant, quand on est en compétition on caresse le secret d’être parmi les lauréats. Malheureusement et paradoxalement le ventre de Douala n’a pas été primé malgré tout le bien que les organisateurs et les nombreux participants au festival en ont dit. Les 15 documentaires en compétition étaient infiniment différents les uns des autres et nous savons bien que le jury est souverain. Personnellement je suis fier d’ avoir eu l’occasion de défendre les couleurs du Cameroun et de l’Afrique. Nous avons montré une autre image de l’Afrique et de la recherche en Afrique . L’Afrique silencieuse. l’Afrique d’en bas qui se bat pour réussir et qui souvent n’ a pas droit au chapitre des médias occidentaux et malheureusement africains aussi.
Votre film raconte les réalités de la vie agricole au Cameroun. Quel pont faites vous entre ce sujet et votre statut scientifique de géographe?
Il faut peut-être préciser que si je suis enseignant au département de géographie, j’ ai surtout une double formation de géographe et d’anthropologue. Vous comprenez toute la complémentarité entre les deux disciplines. Mes premiers travaux ont porté sur la sécurité alimentaire des villes au Cameroun, puis j’ai évolué vers l’approche en terme de sécurisation alimentaire qui accorde plus d’ importance aux stratégies d’acteurs. De plus si vous situez le film dans la problématique des relations villes/campagnes qui pendant longtemps a dominé la recherche géographique dans les pays du Sud en général, et en Afrique en particulier, le lien devient plus évident. En montrant la complémentarité et l’interface entre les deux milieux, en mettant en exergue la différence entre l’approche en termes de ravitaillement alimentaires des villes et l’approche en terme d’approvisionnement qui fait du citadin/commerçant l’acteur principal, nous avons ainsi contribué à faire bouger les lignes.
Vous vous êtes investi dans ce sujet depuis de nombreuses années déjà puisque vous avez publié un ouvrage sur les marchés du Cameroun en 2006. les réalités évoluent elles avec l’urbanisation des villes?
Deux facteurs essentiels ont contribué à re dynamiser l’urbanisation et la question urbaine au Cameroun: D’abord la décentralisation qui donne une plus grande marge de man uvre aux collectivités locales et surtout aux responsables municipaux. Le fait que le destin des agglomérations urbaines comme Douala, Bafoussam ne se décide plus uniquement et exclusivement à Yaoundé C’est à dire au niveau central donne plus de visibilité et facilite la gestion de ces villes. Dans les villes comme Bamenda, l’implication effective des communautés de base qu’on appelle les associations de la société civile à la gestion urbaine est plus facile et plus consensuelle. D’ autres ville comme Dschang font le meilleur usage possible de la coopération décentralisée pour le développement de leur localité. C’est des bons exemples qui devraient être répliqués. Le deuxième facteur qui a »boosté » l’urbanisation et le développement urbain au Cameroun c’est les crédits issus du Contrat de Désendettement Développement (CD2) français depuis l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative pays pauvres très endettés. Il n’y a qu’à voir les travaux en cours à Yaoundé et à Douala. On attend impatiemment que les villes moyennes comme Bafoussam puissent également bénéficier. La situation actuelle de la capitale régionale de l’Ouest est une honte!
Avez vous d’autres projets de réalisation?
Naturellement nous avons des projets aussi bien dans le domaine de la recherche scientifique que dans le domaine de la réalisation des documentaires scientifiques qui , ma foi est un excellent moyen de diffusion et de vulgarisation des résultats des travaux de recherche en sciences sociales ou en sciences dures. Pour l’instant avec mon réalisateur et ami Jean Christophe Monférran on vient de finir un petit reportage qui a pour titre: Bana, un village de l’ouest Cameroun. Nous pensons également à un projet sur la réponse l’entreprise camerounaise à la crise financière. Pour ce qui est de la recherche scientifique proprement dite nous conduisons actuellement un projet sur les enjeux et les défis de la gouvernance urbaine au Cameroun. Si pour le film on cherche des financements. Ce n’est pas le cas pour le projet de recherche qui est financé comme sept autres équipes camerounaises parmi 33 dans le monde, par la Coopération Française à Travers l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) dans le Cadre du programme Aires Sud (Appui Intégré pour le Renforcement des équipes scientifiques du Sud )
Le métier de géographe n’est pas très courant au Cameroun et on profite de cette occasion pour vous demander comment devient on géographe?
La géographie camerounaise est et a été l’une des plus dynamique. C’est peut-être l’une des disciplines qui a le mieux accompagné le développement de notre pays depuis la période coloniale et surtout pendant la crise des années 1990. On a des grands noms comme les professeurs Jean Louis Dongmo, Martin Kuété ou Kegné Foduouop qui sont des universitaires. A Côté on a ceux qui sont dans la recherche d’abord : Simeu Kamdem Michel ou Athanase Bopda. D’autres encore comme David ESSEK servent dans l’administration centrale. L’intérêt de cette question c’est que les géographes doivent faire connaître la géographie et son côté opérationnel au grand public. Pour devenir géographe on fait des études universitaires et post universitaires souvent assez longues.
Votre film a t il été diffusé au Cameroun? Avez vous des projets dans ce sens?
Cette question m’embarrasse un peu. Mais la réponse c’est oui, mais pas encore suffisamment. Le ventre de Douala a été diffusé surtout en France dans le cadre de l’exposition Quand l’ Afrique s’éveillera de la Cité des Sciences et de l’industrie. Au Cameroun la caravane des savoirs pour le développement nous a donné l’occasion de le présenter dans le cadre de promotion de la culture scientifique et technique aux élèves des collèges et Lycées de Bafoussam, Bafang ,Bangangté, Bana, Foumban et aux étudiants de l’Université de Dschang. Douala a également bénéficié d’une séance de projection plus restreinte. Comme toute uvre d’art il faut lui donner le temps de vivre.