Le Camerounais acteur du développement est l’instigateur des premières journées de la solidarité avec l’Afrique
Pour ceux de nos lecteurs qui ne vous connaissent pas qui est Paul Messi Hieronyme?
Seul garçon d’une famille de huit enfants, j’appartiens au groupe ethnique Béti et suis originaire du centre. Mon village s’appelle Omvan. Il est situé à quelques 20 KM de Yaoundé sur la route d’Akonolinga. Après avoir obtenu mon baccalauréat au collège de la retraite de Yaoundé, j’opte pour des études de philosophie, puis de psychologie. Ce qui me permettra d’obtenir une Licence en Psychologie sociale. Je voyage alors pour l’Allemagne avec pour but de préparer un troisième cycle. Revenu au Cameroun pour des vacances en 1998, je suis rattrapé par ma vocation de me rendre utile auprès des personnes vulnérables. J’assiste à l’accouchement d’une jeune femme en pleine rue à Akono, sans aucune aide et sans layette. Je conduis la jeune mère à l’hôpital et lui permets d’obtenir le nécessaire pour un accouchement digne. De retour en Europe, l’idée de créer une association luttant pour l’égalité des chances me préoccupe davantage. C’est ici que commence ma carrière humanitaire qui se renforcera avec les différentes expériences vécues auprès des institutions internationales qui me permettront de comprendre la place de l’Afrique dans la géopolitique internationale.
Comment pouvez-vous présenter le concept Humanitas pour l’Afrique en ressortant son lien avec les cinquantenaires des indépendances?
La célébration du cinquantenaire des indépendances africaines revêt une signification particulière pour moi. C’est l’occasion pour les africains d’interroger la situation du continent noir aujourd’hui en rapport avec le développement international et l’évolution des peuples. Alors qu’on s’éduque, qu’on se soigne, qu’on se nourrit et qu’on se forme convenablement ailleurs, la pauvreté s’installe davantage dans plusieurs Etats africains. Cet état de choses nous interpelle tous et nous amène à nous demander ce que nous avons fait de notre Afrique depuis que le colonisateur nous a officiellement « libérés»? Si être indépendant signifie pouvoir s’assumer soi même, il y a lieu de s’interroger sur l’indépendance dont on parle, se questionner sur le sens réel de ce cinquantenaire que nous célébrons en grande pompe. Nous pensons qu’il est temps d’harmoniser nos énergies autour d’un projet d’humanisation de l’Afrique. D’amener les africains à prendre conscience de l’énorme potentiel de développement du continent noir et de susciter une réelle dynamique de développement économique local plaçant l’Africain au centre des préoccupations. Il s’agit de lui forger un chemin vers un développement durablement respectueux de ses valeurs culturelles et anthropologiques. La valorisation des savoirs locaux est un chemin incontournable. Humanitas For Afrika est donc pour moi la marche vers ce processus de développement solidaire conçu par les Africains, pour les Africains et avec les Africains de l’intérieur et les diasporas à travers le monde.
Quel est à ce jour le stade d’évolution de l’organisation?
Nous sommes une organisation de solidarité internationale issue des migrations. Notre ambition est de promouvoir le principe d’égalité des chances en favorisant l’insertion socioprofessionnelle des publics éloignés de l’emploi, de l’éducation, de la formation et de la santé. En France, nous avons réussi à obtenir une convention avec Pôle emploi pour accompagner ces publics en Île de France. Dans le même sens, nous comptons installer incessamment une boutique de gestion de l’économie sociale et solidaire à Yaoundé et Libreville. La mission de ces structures étant d’accompagner les femmes mères seules, les jeunes des quartiers populaires et les femmes vivant en milieu rural vers la création de leur propre emploi à travers l’activité économique. Humanitas International se trouve donc à ce jour à la deuxième phase de son développement qui prévoit son installation en Afrique. La première étape ayant consisté à stabiliser l’organisation en France et à lui donner un statut juridique et administratif convenable. Nous comptons aujourd’hui 18 salariés au siège de paris et nous apprêtons à recruter des développeurs pour l’Afrique.
Vous posez un problème spécial, celui de l’intégration des migrants africains en France. Expliquez comment une réflexion et une amélioration pourraient être un moteur de développement pour l’Afrique?
Que ce soit la France qui organise le cinquantenaire des indépendances africaines ou l’Afrique, le même problème revient: A quoi sert la France -Afrique? A l’amélioration des conditions de vie des populations africaines ou à un prolongement de l’ingérence de la France dans les affaires africaines. Sans vouloir rendre la France entièrement responsable du retard économique qu’accusent les pays africains francophones, il ne faut tout de même pas perdre de vue que la France a su maintenir de forts intérêts économiques dans ces Etats et devrait, à ce titre , rester vigilante sur les efforts de développement de ses anciennes colonies et de leurs ressortissants. Parlant de l’épineux problème d’intégration des migrants africains en France, il faut une réelle politique de gestion des flux migratoires en France avec des outils efficaces pouvant permettre aux migrants africains d’être utiles, non seulement à la France, mais aussi à leurs pays d’origine car les diasporas africaines de France représentent un énorme potentiel intellectuel et financier qui peut convenablement faire décoller les économies africaines et générer plusieurs emplois.
Quelle sera la particularité de la convention que vous envisagez, par rapport à tout ce qui est déjà organisé dans le même genre au profit de l’Afrique?
La convention d’affaire pour les migrants porteurs de projets est une démarche d’investissement solidaire qui permettra aux africains ayant un projet d’utilité sociale en Afrique de bénéficier de l’accompagnement de l’association pour la réalisation et le suivi du projet au plan local. La particularité de cette convention est qu’elle a pour vocation de mettre sur pied à Yaoundé et à Libreville des boutiques de gestion de l’économie sociale et solidaire. Ce dispositif est unique en son genre car il ne met pas des fonds à la disposition des populations. Elle crée des structures d’insertion par l’activité économique et accompagne les bénéficiaires vers une autonomie de gestion. Le principe est simple. Au lieu de mettre des populations sous perfusion en envoyant de l’argent chaque fin du mois, les signataires auront tout simplement à déposer un fonds, soit pour parrainer un projet monté par eux même depuis la France, soit pour contribuer au capital d’un restaurant, d’un garage auto, d’un atelier de couture, d’un salon de coiffure ou d’un cybercafé dans une ville africaine. L’association se charge alors d’installer ces structures commerciales qui restent sa propriété jusqu’au remboursement total de la somme investie dans l’affaire. A la fin de l’opération, l’investisseur solidaire récupère son fonds et offre les dividendes à l’association pour son fonctionnement.
Cette convention devrait avoir lieu le 14 juillet, jour de fête nationale en France et durant lequel de nombreux chefs d’Etat africains seront invités, est-ce un hasard du calendrier ou alors vous attendez quelques chefs d’Etat à la convention?
C’est une simple coïncidence. La venue des Chefs d’Etats africains en France n’a pas grand-chose à voir avec cette convention car c’est une initiative privée qui a pour vocation de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations africaines victimes d’exclusion.
Un des aspects de votre concept est celui du village des migrants, qu’est-ce que c’est concrètement?
Le village des migrants est exactement conçu sous le même principe des boutiques de gestion de l’économie sociale et solidaire. Il a pour but de promouvoir les initiatives économiques des personnes migrantes. Le village des migrants accompagne les porteurs de projets issus des milieux migrants en île de France. Il s’agit de les aider à franchir toutes les étapes essentielles de la création d’une activité commerciale. Des fonds solidaires sont mis à leur disposition pour trouver un bail ou acheter un fonds de commerce lorsque le projet est jugé porteur.
Vous défendez l’idée d’une économie sociale en partenariat avec les diasporas africaines au profit du développement en Afrique, est ce qu’un tel projet peut prendre le dessus sur les économies de marchés qui règnent sur le continent?
L’économie sociale et solidaire ne trouve sa définition qu’à partir de l’économie de marché. On ne saurait imaginer l’une sans l’autre car l’arrogance des grands patrons amène les exclus du système à trouver des alternatives économiques pour créer leur propre emploi et en vivre. Aujourd’hui, nous connaissons tous le poids de l’économie dite informelle dans les cités africaines. C’est la résultante d’un capitalisme dur exclusivement au service des grands patrons. Notre ambition est de promouvoir de petites initiatives économiques qui peuvent permettre à ces personnes exclues de créer leur propre emploi à travers l’activité économique. Puisque nous défendons l’idée de voir l’Afrique se développer par l’action des africains, nous avons opté pour la création d’un fonds d’investissement solidaire alimenté par des diasporas africaines. Ce qui nous évitera de dépendre de certaines institutions qui nous empêcheraient de mener ce projet en conformité avec nos valeurs. Nous expérimentons depuis 3 ans et nous avons réussi à financer la création de plus de 75 structures d’insertion par l’activité économique. Jusqu’ici, tous les bénéficiaires ont pu rembourser les sommes investies dans leur activité et ont trouvé leur autonomie. C’est un projet promoteur.
Quels sont les personnes qui devraient intervenir dans ce colloque?
En termes d’intervenants, ce colloque connaitra une large diversité. Nous aurons Monsieur Fossard Roben qui est chercheur en économie sociale et solidaire au CNRS de Paris. Nous citerons également des visages très connus dans les milieux de la Diaspora africaine comme Djibril Gningue, Gaston Kelman, José Berre, Etoundi Eugène, Claire Mimboé Ndi Samba et bien d’autres.
A votre avis qu’est ce qui fait problème dans cette Afrique que tout le monde veut aider mais que plusieurs personnes exploitent pourtant?
Ce qui fait problème en Afrique ce sont les Africains eux-mêmes. Les véritables ennemis de l’Afrique ce sont les africains qui se refusent de valoriser l’Afrique. Nous n’acceptons pas de prendre conscience de tout ce que notre continent a comme potentiel. On se contente des préconisations qui ne profitent qu’aux autres. Vous avez évoqué l’Union européenne. Je suis intervenu plusieurs fois devant des députés européens pour leur faire comprendre qu’il ne sert à rien d’attarder le continent africain avec des aides qui l’empêchent de se mettre à l’épreuve du développement. La situation de l’Afrique arrange ceux qui la présentent comme le continent de la pauvreté, de la misère et de la maladie alors qu’il existe plusieurs autres atouts que nous pouvons exploiter pour sortir de cette situation d’une Afrique qui tend toujours la main.
Quelles sont les personnes que vous attendez pour participer aux différents évènements en rapport à vos activités, est-il ouvert au grand public?
Nous avons un concert humanitaire avec Koko Ateba, Annie Flore Batchiellilys et bien d’autres musiciens, sensibles à notre projet le Vendredi, 9 Juillet à l’espace Reuilly de Paris 12ème. Entrée payante et enfin le Samedi 17 Juillet, il est prévu un colloque avec entrée libre et un gala de charité avec entrée payante à la salle des fêtes de l’hôtel Concorde la Fayette.