L’outil censé faciliter la communication dans les couples devient parfois un facteur de paranoïa. Il arrive que l’angoisse cède la place à la violence.
Il est 18h à Mvog Mbi, un quartier de la capitale politique Yaoundé, Sylvie est derrière sa maison. De loin, on aperçoit une petite lumière entre les mains de la jeune femme. Elle tient en main le téléphone de son compagnon qui prend son bain. Sylvie fouille ainsi les preuves de l’infidélité de son homme.
Jalousie, manque d’assurance, ragots, entre autres, sont des raisons qui poussent de nombreuses personnes à chercher à découvrir ce que cachent les mots de passe des téléphones de leurs partenaires ou à vérifier leurs portables en douce.
Le téléphone portable est devenu une vraie terreur pour certains couples. A un point où, à chaque fois que le téléphone d’un des partenaires sonne, l’autre est tenté de guetter le nom ou le numéro qui s’affiche. Mais qu’est-ce qui traduit une telle angoisse ? Tout dépend de chacun. Il y a des personnes qui n’ont pas confiance en elles et qui pensent qu’elles ne sont pas assez belles, intelligentes pour leur partenaire qui finira forcément par aller voir ailleurs.
C’est le cas du couple de David et Flavie. Titulaire d’une licence professionnelle en banque et finance, Flavie est en couple avec David depuis 4 ans. Son compagnon, lui, après l’obtention de son Probatoire, s’est lancé dans la vie active. La jeune femme travaille dans une banque et son partenaire tient une petite boutique de pièces d’autos au marché central de Yaoundé. Mais, le quotidien du couple n’est pas le même depuis que Flavie a trouvé du travail. « Il y a des jours où tout va bien et des autres où ça finit par des cris », confirme la jeune femme. Elle nous raconte qu’un jour, à cause d’un Sms tendancieux reçu par erreur, David, qui ne voulait rien entendre, a endommagé son mobile.
Après chaque coup de fil reçu, la jeune femme a droit à un interrogatoire. « C’était qui ? Elle t’appelle pourquoi ? Le travail n’est pas fini pour aujourd’hui? Et d’ailleurs qu’est ce qui prouve que c’est elle qui t’appelle ? Donne-moi ton téléphone», somme David. Ces questions sont suffisantes pour découler sur de violentes disputes entre les deux tourtereaux. « Il vérifie mon téléphone tous les jours. Parfois, il lit certains de mes messages avant moi. Aucun de mes contacts ne doit être tendre avec moi et moi non plus, sinon ça créée un problème. Je suis stressée à chaque fois que mon téléphone sonne », s’indigne Flavie. Elle sourit pour dissimuler son mal-être.
Violation d’intimité
Chez d’autres, cette attitude d’espionnage à travers le téléphone portable, vient du changement de comportement des conjoints. Aude, 28 ans, trouve que son mari n’est plus le même depuis quelques mois. « Je consulte le téléphone de mon mari en cachette lorsqu’il prend sa douche, quand il est endormi ou après que j’ai passé un appel avec son téléphone », avoue Aude. « Un soir, alors qu’il dormait, j’ai regardé dans son portable. Il avait un code mais je le connaissais, je l’avais vu faire. Je suis tombée sur des messages où une personne qui n’avait pas de nom enregistré, juste des initiales, lui disait qu’elle pensait à lui toute la journée. Aucune trace de messages qu’il avait pu envoyer en réponse. J’étais abasourdie. Quand je lui ai fait part de ma découverte, il m’a pris le téléphone des mains sans rien dire. Le lendemain, il avait effacé tous les messages », témoigne Aude. Elle trouve sa conduite justifiée.
Aude se souvient aussi d’avoir surpris son mari dans une conversation téléphonique, et l’avait suivi lorsqu’il se rendait au rendez-vous avec sa maitresse avec qui il discutait au téléphone. Ce qui a engendré un problème sérieux dans ce ménage car cette maitresse n’était que la coiffeuse installée en face de leur domicile.
Si pour certaines personnes consulter le téléphone portable de leur moitié est un travail à plein temps, d’autres finissent par qualifier cette attitude de « paranoïaque ». C’est ce que pense Nathalie « Je regardais le téléphone de mon homme tout le temps. Je ne pensais qu’à ça. J’ai fini par trouver ça malsain et ridicule. Surtout je n’aimais pas la personne que je devenais, j’ai donc arrêté », avoue Nathalie.